Charles Cadoux: Professeur émérite à l’Université d’Aix Marseille, ancien directeur de l’Institut d’Etudes politiques d’Aix en Provence, Professeur de droit public à la Faculté de Droit et Sciences Economiques de l’Université de Madagascar de 1963 à 1974, Doyen de cette Faculté en 1972, membre de l’Académie Malgache, Commandeur de l’Ordre National malgache, diplômé de lettres classiques de l’Université de Lyon, et agrégé de droit, Charles Cadoux n’est plus à présenter à Madagascar, car bon nombre de ses anciens étudiants occupent des postes éminents actuellement, si l’on ne parle que du juge Raymond Ranjeva, du Premier Ministre Jacques Sylla ou encore du leader du MFM, Manandafy Rakotonirina. Il a déjà rédigé une dizaine d’ouvrages sur Madagascar, et est actuellement en train de travailler sur un article portant sur la politique malgache, et plus précisément intitulé « le régime semi-présidentiel à Madagascar ». Charles Cadoux, qui dispense tous les ans des cours de sciences politiques à l’Institut Catholique de Madagascar, a accepté d’être notre invité du lundi et de se pencher sur les actualités « chaudes » du pays, à titre personnel. Une vision qui change un peu de celle des politiciens locaux. Interview.
Je peux dire qu’il y a eu une évolution des régimes politiques à Madagascar. La Ière République était un régime calme et assez démocratique. Dans l’histoire malgache, elle reste un exemple de régime politique stable. Depuis 1975, avec la II ème République, la Constitution avait un cadre précis de type socialiste et non parlementaire. Ratsiraka avait une forte personnalité, mais en moins de 10 ans, l’opinion publique a tourné. Une nouvelle période de flottement a marqué l’année 1991, avec la création de la IIIème République, dont la Constitution était de type semi-présidentiel. Après Zafy Albert, le retour de Ratsiraka a été à l’origine d’un changement profond de la Constitution en 1998. Cette dernière a été « bousculée », car elle a vu la création des provinces autonomes et a donné plus de pouvoir au Président de la République. Depuis, il n’y a pas eu de remodelage de la Constitution.
Il y a beaucoup de discours, mais ça manque de communication. On voit le Président de la République qui s’exprime beaucoup, mais pas sur les affaires cruciales, et cela entretient les rumeurs. Nous avons actuellement un régime semi-présidentiel, mais dans la pratique, il tourne autour du présidentialisme. Il ne s’agit pas d’une dictature, mais il y a un pouvoir accru du Président de la République. Le régime semi-présidentiel convient à Madagascar et à sa population, mais c’est un régime qui est difficile à faire fonctionner. Le mauvais fonctionnement tient à la qualité des hommes et femmes politiques. Pour la conférence nationale, on en entend beaucoup parler. C’est très démocratique, mais dans la pratique, j’ai peur qu’elle ne soit animée par une opposition hostile à Ravalomanana, des politiques qui n’ont pu être dans le Gouvernement. J’espère que cela va aboutir à quelque chose de concret, que cela ne va pas finir sur la place du 13 mai. Il faut savoir que la conférence nationale n’a pas de pouvoir juridique et que ce n’est pas dans la Constitution. Dans un régime démocratique, l’opposition est certes importante, mais il faut qu’elle soit cohérente, et on ne change pas de gouvernement s’il n’y a pas un programme précis de rechange. On aura l’impression que Madagascar fait du surplace si cette conférence aboutit à des troubles.
Le régime a difficilement obtenu sa légitimité, mais on peut dire que les résultats sur 3 ans ne sont pas très brillants, on a constaté une dégradation du niveau de vie de la population. On est amené à se demander si pendant les deux prochaines années, les dirigeants pourront redresser cette lacune. J’espère cependant qu’ils resteront en place car il faut du temps pour qu’un régime réussisse. 3 ans, c’est court, mais il faut que les dirigeants expliquent bien ce qu’il font, qu’ils donnent régulièrement des informations appuyées par des faits, mais pas des effets de manche en inaugurations ou réceptions de hautes personnalités.
Pour le cas de Pierrot Rajaonarivelo, l’opposition peut toujours dire que c’est un jeu politique. Concernant Olivier Peguy, Madagascar a le droit de renvoyer qui il veut. Le Gouvernement n’a rien à se reprocher sur le plan juridique, mais sur les retombées politiques, cela peut être mal vu.
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