Friday, October 28, 2005

Force silencieuse de l'administration

Inculpé dans l'affaire Valerie Plame, l'ancien directeur de cabinet du vice-président américain Dick Cheney, Lewis Libby, était un personnage aussi discret qu'influent au sein de l'administration du président Bush.

Son rôle dans la préparation de l'intervention américaine en Irak fut révélateur du crédit accordé par les plus hautes sphères dirigeantes du pays à celui que l'on surnomme "Scooter".

D'après l'ouvrage du journaliste Bob Woodward "Plan of Attack", Libby aurait en personne présenté à la présidence un document attestant la présence en Irak d'armes de destruction massive et de contacts possibles entre des responsables irakiens et l'un des cerveaux du 11 septembre 2001.

La guerre avait trouvé sa justification.

"Il au vice-président ce que le vice-président est au président", a dit de lui Mary Matalin, qui a travaillé à ses côtés en tant que conseiller de Cheney durant le premier mandat de Bush.

Ancien avocat, adepte de l'approche analytique, Libby, qui a démissionné vendredi sitôt connue son inculpation, savait distiller des "conseils discrets" depuis son bureau situé juste à côté de l'aile ouest (West Wing) de la Maison blanche.

Il travaillait en coulisses sur la sécurité nationale, plus particulièrement sur le contre-terrorisme et les menaces chimique et bactériologique, des dossiers qui n'avaient aucun secret pour lui.

TRAVAILLEUR DE L'OMBRE

"Il n'aime pas faire l'intéressant", assure le président de la Banque mondiale Paul Wolfowitz, commentant le goût de son ami et protégé pour le travail de l'ombre.

Libby, 55 ans, était ainsi connu pour sa réticence à s'exprimer dans les médias.

Ironie du sort, ce sont ses conservations privées avec des journalistes qui ont attiré l'attention du procureur spécial Patrick Fitzgerald, chargé d'enquêter sur l'origine des fuites qui ont "grillé" l'agent secret de la CIA Valerie Plame - un crime fédéral aux Etats-Unis.

Après 85 jours passés en détention pour avoir refusé de dévoiler ses sources, la journaliste du New York Times Judith Miller recouvre la liberté le 29 septembre. Elle témoigne le lendemain devant le grand jury. Son journal révèle sa source sur l'affaire Plame: Lewis "Scooter" Libby. Miller précisera toutefois que Libby n'a jamais identifié Plame nommément.

Natif du Connecticut, Libby est diplômé en 1972 avec mention très bien de l'Université de Yale, puis il obtient un diplôme de droit trois ans plus tard à Columbia.

A Yale, il fréquente Wolfowitz en cours de sciences politiques. Ce dernier l'intègre en 1981 au sein du département d'Etat de l'administration de Ronald Reagan. Libby servira ensuite au Pentagone durant le mandat de George Bush père.

Wolfowitz dit de lui qu'il n'est pas "farouchement" attaché à la loyauté de parti. "Il y a une différence entre les gens qui se concentrent sur la politique et ceux qui ne jurent que par leur parti: Scooter n'appartient pas à cette catégorie."

Passionné de ski, ce père de deux enfants s'est également essayé à la littérature en publiant en 1996 "The Apprentice" (L'apprenti), roman qui a pour toile de fond le Japon rural du début du XXe siècle. La critique salua un "sens du mystère et de la claustrophobie porté par une prose limitée et des personnages minimalistes".

Mais l'homme sait aussi se montrer lyrique, comme dans cette lettre envoyée à Miller pendant sa captivité, au mois de septembre.

"Vous avez été emprisonnée cet été. A présent, l'automne est là. Vous aurez des articles à écrire (...). Dans l'Ouest, où vous passez vos vacances, les trembles auront pris d'autres couleurs. (...) Revenez au travail, revenez à la vie."

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